Sombre Neige [Pv Miyu & Yun]

Des flocons de neige semblable aux doux pleurs des Dieux tombaient, virevoltaient dans les airs dans une danse macabre. Lentement, ils chutaient et voyaient l'heure de leur mort se rapprocher dangereusement. Ils allaient rejoindre les restes de leurs prédécesseurs et former une boue maronnasse cumulée aux rouge du sang présent sur le champs de bataille. Une semaine auparavant, deux groupes de clans rivaux s'étaient affrontés. Les corps n'étaient plus, emportés par leur compatriotes afin de recevoir une sépulture digne de ce nom, mais l'odeur de la mort et le sang coagulé témoignait du carnage qui s'était joué ici, peu de temps auparavant.
L'odeur agressa Eisei qui fronça le nez et sembla pris d'un vertige. Il se reprit et secoua la tête, continua son chemin. Il marchait d'un air presque naturel. Presque. On pouvait voir à sa démarche qu'il vérifiait s'il n'était pas suivit. Il semblait proie à une peur intense d'être découvert. Furtivement, rapidement, il se dirigeait vers un point bien précis. Il faisait de son mieux afin de ne laisser aucune de ses empreintes dans la sombre neige. Enfin, il arriva à destination. C'était un bâtiment délabré, la porte semblait tenir sur ses gondes que par magie. Les fissures dans les murs laissaient penser que tout pouvait s'effondrer d'une minute à l'autre. Pourtant il frappa à la porte, sans peur. Néanmoins, sa manière de frapper n'était pas naturelle. Un coup, deux coups, un coup, quatre coups, actionnement de la poignée qui laissait la porte close. Attente. Quelques secondes plus tard, le battant de vois s'ouvrit et Eisei se précipita à l'intérieur. Un bourrasque de vent plus forte que les autres fit s'envoler les quelques papiers de la pièce. Personne n'y fit attention, ce n'était pas important.
Dans la pièce, tout était délabré à l'image de l'extérieur. Une table branlante était un équilibrée par un livre qui soutenait une patte plus courte que les trois autres, une bibliothèque qui devait auparavant comporter bon nombre de livre jonchait par terre, servant seulement de nid à araignée. Et pourtant, nul insecte, nul bête ne résidait en ces lieux, sans doute effrayés par l'arrivée importune de ces hommes. Néanmoins, ce lieu était chaleureux et gai, car au centre de la pièce se trouvait un arbre vert décoré de multiples boules et guirlandes colorées.
Eisei était le dernier à être arrivé et il mis son temps avant d'avoir salué tout le monde. Il en connaissait certains, d'autres lui disaient quelque chose par le visage, tandis que les autre lui étaient complètement inconnu. Pourtant, il leur dit bonjour comme s'il les avait toujours connu. Ils n'en furent pas offusqués. L'ambiance était joyeuse dans ce petit groupe d'une vingtaine de personnes. Il y avait quatorze hommes et sept femmes. Aucun enfants. Pourquoi ? La réponse était simple, c'était dangereux. Oui, ce sapin, pourtant synonyme de paix et de joie avait aussi un arrière goût d'interdit et de mort, car les personnes présentes dans cette pièce n'avaient pas le droit se réunir autours d'un chocolat chaud. Tout ça parce qu'ils appartenaient à des clans différents.

Eisei n'avait jamais aimé cette guerre et c'était l'une des raisons pour lesquelles il était parti, loin, où toute la souffrance qu'engendrait une telle chose n'existait pas. Mais il était revenu, il s'était fait des amis et ne voulait plus partir, les abandonner. Cette réunion, cette fête de Noël avait eu du mal à voir le bout, car il avait fallu tout préparer dans le plus grand des secrets. Réunir les gens qui, comme lui, trouvaient tout cela insensé. Réussir à approcher les autres clans. Préparer le tout. Réunions, papier, mot de passer.. Ca avait été dur, mais à présent, seul la gaité du moment, la légèreté de cette fête comptait.

Une heure, puis deux passèrent. Tout se passait pour le mieux et personne ne pensait à ce qu'il pourrait se passer s'ils étaient pris. Ils n'avaient certainement pas prévu que la porte s'ouvre. Le vent glaciale s'infiltra dans la pièce, l'odeur de la mort retourna les estomacs. Tous se retournèrent. Face à eux se trouvaient deux personnes, dont une était bien connue pour son rang. Debout, dans l'encadrement de la porte se tenaient Miyu Aistuka et un autre homme dont Eisei ignorait le nom, mais une chose était sûr, ils faisaient partis du clan Hatano et ce n'était pas bon pour eux.
Un silence de mort prit place et nul ne savait quoi dire. Certains avaient porté leur main à leur ceinture, saisissant le manche d'une arme quelconque, d'autres les avaient sorties, apparemment convaincu qu'il allait falloir livrer bataille. Les hommes s'étaient placés devant les dames, les protégeant de leur corps, qu'elle soit de leur clan ou non. Certaines d'entre elles avait aussi décidées de se battre, mais parce que les traditions ne se taisaient jamais, elles restaient à l'écart. Eisei, qui était parmi ceux en première ligne par un concours de circonstances, prit la parole.

« Pourquoi êtes-vous là ? » Mais la véritable question n'était pas pourquoi, mais comment. « Qu'est-ce que vous comptez faire ? »

Le Japonais ne pensait pas être le leader du groupe. Il ne l'était pas. Mais il ne pouvait décidément pas laisser tomber une si belle fête que celle de Noël être ruinée.

« Seriez-vous assez monstrueux pour priver ces personnes d'une fête de Noël ? Ils ont.. Nous avons été entraînés dans une guerre qui nous dépasse. Une guerre insensée qui ne nous concerne pas. Pourquoi se battre parce que telle ou telle personne ne fait pas parti du même clan ? C'est ce que nous nous demandons tous ici ! Alors on ne dit rien, on obéis même, mais ne nous privez pas d'une seule journée, d'une seule soirée d'innocence sur toutes celles que vous nous avez volé. Laissez nous oublier un instant que le sang de nos camarades coule sur nos main et que le notre pourrait tout aussi bien finir au fond d'un caniveau. »

Le jeune homme ne savait pas très bien ce qu'il avait tenté de faire ainsi. Les raisonner ? Les provoquer ? Un mélange des deux pour pouvoir enfin dire ce qu'il penser ? Néanmoins, il ne voulait pas se battre et sa main posée sur son arme n'était là que par pur précaution, car il ne savait pas comment allaient réagir les deux autres. De toute façon, s'ils attaquaient, il pourrait le prévoir grâce à son œil, mais malgré son discours, il n'était pas prêt à mourir, même pour défendre ses idéaux. Il avait déjà sentit une fois le souffle glaciale de la mort, et ça lui avait suffit.

Un soupire de soulagement échappa au brun lorsque l'autre posa ses armes en assurant qu'il ne souhaitait pas se battre. Peut-être que la magie de Noël allait réellement opérer, ce soir là ? Il ne pouvait s'empêcher de ressentir un sentiment de victoire. Il avait réussi à convaincre quelqu'un, à le relier à ses idéaux le temps d'une soirée. Ca n'y ressemblait peut-être pas, mais c'était une grande réussite. Eisei se détendit et retira sa main de son arme, un doux sourire aux lèvres. Plusieurs personnes l'imitèrent, bien que certains, sans doute plus septique quand à la véracité des faits, restèrent sur leurs gardes. Néanmoins, l'ambiance était bien moins lourde et il semblait que les carillons de Noël sonnaient dans le cœur de chacun. La sourde angoisse qui les tiraillait de l'intérieur laissait place à une confiance sans limite et la haine était noyée dans l'amour.
Tout semblait aller pour le mieux et personne ne songea un seul instant que le bras droit d'un des quatre grands clans prendrait la parole. Ses mots résonnèrent dans les esprits de tous ceux qui étaient présents tel un gong et un hoquet de surprise échappa à la foule. Eisei sentit son œil le brûler. Maintenant habitué à cette douleur, il ne tomba pas à genoux, mais chancela un instant. Il ne s'y attendait vraiment pas. Aussi il ne put éviter complètement l'attaque de la jeune fille et s'en sortit avec une légère blessure à la joue. Son nez se plissa de dégoût à la vue de ce.. monstre lécher son sang. Elle agissait, sans scrupule ni concession. Dans ses yeux brûlait une flamme de détermination, et peut-être de folie aussi. Folie meurtrière qui vous guide tel un marionnettiste tirant les ficelles le reliant à ses poupées.

« Ne croyez pas pouvoir nous provoquer par ces simples phrases. » déclara-t-il dans un premier temps, un sourire en coin et en essayant la traînée de sang d'un revers de manche. « Comme vous le dites si bien, vous êtes ici les gamins de l'histoire. En tant qu'adultes sensés, nous devons donc vous faire retrouver la raison, n'est-ce pas ? » Il prit un air fataliste et continua sur sa lancée. « Je suis néanmoins déçu, le jeune homme semblait être assez intelligent pour comprendre que cette guerre n'a aucun sens, mis à part celui de tuer. »

D'un geste calme, il sortit un élastique de sa poche et s'attacha les cheveux. Seule une mèche restait en place, couvrant l'horrible balafre recouvrant son visage. Il savait que le globe sanglant allait réapparaître une fois le combat engagé, cela ne faisait aucun doute. Ce combat ne se résumerait certainement pas en un simple Janken. Le perdant ne s'en sortirait pas avec un simple gage. Non, le résultat serait bien plus terrifiant, éprouvant. En effet, la mort viendrait accomplir son sombre devoirs sous la neige de ce soir décembre.
Eisei détacha son arme de sa ceinture et emboita le manche d'un geste rapide, vif et efficace, montrant une certaine habilité et une habitude à ce simple geste. Il n'était néanmoins pas très fort en combat et, malgré le surnombre évident de ses camarades, la plupart d'entre eux ne savaient pas bien se battre, ou même s'ils étaient doués, ne feraient sans doute pas le poids contre l'élite d'un camps. Lui même pouvait se dire assez fort grâce à son pouvoir, mais il prenait généralement la fuite dès qu'il le pouvait. Avec tant de personne dans cette pièce et une seule porte de sortie -comment avaient-ils pu faire une telle erreur !- il ne pouvait décidément pas sortir. De plus, il ne pouvait abandonner ses camarades au souffle glaciale de la sombre faucheuse. Il se mit en garde. Le silence était pensant dans la pièce. Le sapin semblait rétrécir à vue d'œil alors que la tension montait d'un cran. Soudainement, son œil le brûla. Il ne mit pas longtemps à réagir et se décala d'un bond sur le côté, évitant un coup de poignard qui lui aurait sans doute était fatale. Il tenta de contre-attaquer avec sa propre arme, mais il ne réussit qu'à déchirer légèrement les vêtements de la jeune femme. Un juron coloré lui échappa alors qu'il se remettait en position défensive. Il n'avait pas le niveau pour un tel combat et devait absolument trouver un moyen d'y réchapper.

« Veuillez m'excusez pour cette injure, j'avais oublié que certains n'avaient pas l'âge requit. » les nargua-t-il plus par automatisme que par simple envie.

Il avait beau dire, le sang qui pulsait en lui, son l'odeur et son goût métallique l'emplissait de plusieurs émotions, d'une certaine joie de vivre, mélangée au désespoir du moment. De la même manière que ce fameux soir. Ce soir où il avait tué celle qu'il aimait le plus au monde. Un sourire étira ses lèvres à ce souvenir. Il n'était plus le moins du monde triste en repensant à elle, il ne se souvenait que de ces sentiments qui l'avaient traversé lorsqu'il avait sentit la chaire fraiche se découper sous sa lame, admiré le sang gicler en de multiples gouttelettes carmines, vu la peur dans les yeux de sa compagne, entendu son propre rire à travers son cris de surprise et de douleur.
Eisei se passa une main sur le visage, tentant de calmer l'éclat de rire qui menaçait de le prendre. Il se savait fou, mais il essayait de le cacher, ou du moins le cacher aux autres. Comment réagiraient ces gens s'ils savaient que le goût de la mort le faisait se sentir si bien, si vivant ? Il était sensé être contre cette guerre, il ne devait pas céder à ces pulsions animales qui remuaient en lui, comme un monstre qui chercherait à briser les barreaux de sa cage. Il devait se calmer. Il releva la tête et braqua son seul œil dans ceux de son homologue. Il paraissait calme, serein, sûr de lui, mais une personne avisée aurait remarqué que la même lueur de folie vivait dans les yeux des deux combatants.